Into the Wild, la mythologisation du protagoniste

Publié le : 23 juin 20218 mins de lecture

Pourquoi devrions-nous choisir de vivre comme des mendiants alors que nous ne manquons de rien ? Pourquoi devrions-nous renoncer à tout luxe et confort pour vivre comme des nomades ? Peut-être parce que nous voulons simplement vivre, au sens le plus strict du terme. Se sentir vivant, manger pour survivre, se sentir en harmonie avec la nature, oublier les règles imposées par la société, être libre. C’est le thème proposé par le film Into the Wild de 2007, réalisé par Sean Penn.

Le film s’inspire de l’ouvrage homonyme de Jon Krakauer, derrière lequel se cache à son tour une histoire vraie : celle de Christopher McCandless. Jeune homme originaire de Virginie et né dans une famille de la classe moyenne supérieure, il a passé une enfance confortable, vivant avec ses parents, même si l’apparence d’une famille modèle cachait de fréquentes disputes. McCandless était un jeune homme brillant dans ses études dès son plus jeune âge ; il a obtenu des diplômes en anthropologie et en histoire et a toujours montré un penchant pour la lecture.

Parmi ses auteurs préférés, on trouve Tolstoï et Thoureau, des auteurs qui l’ont inspiré et ont eu une certaine influence sur la décision la plus radicale de sa vie. Fatigué de vivre dans un monde d’apparences, de toujours faire « ce que tout le monde attend », de vivre dans un monde résolument matérialiste et de devoir suivre les règles, il décide de tout quitter, de faire don de ses économies à une œuvre de charité et d’entreprendre un voyage en solitaire, avec rien d’autre qu’un sac à dos et quelques possessions. C’est là que commence son aventure Into the Wild.

McCandless voulait éprouver la sensation de liberté absolue, le retour à l’état animal, où il n’y a plus de trace de l’Homme, faisant à nouveau partie de la nature. Le chemin n’est pas facile, mais ce sera à lui seul -et à personne d’autre- de tracer sa propre voie.

Cette vision romantique de la vie, de la nature et du côté le plus sauvage de l’être humain, a fait de McCandless une sorte de héros légendaire, une figure qui a alimenté le folklore populaire aux États-Unis au XXe siècle. Cependant, derrière la légende, une sombre vérité peut toujours se cacher : une tendance suspecte est apparue parmi ses légions d’admirateurs, qui a démystifié ce héros moderne et ses actes.

Into the Wild nous présente l’histoire de manière « fictive », en racontant les exploits de McCandless par lui-même et sa sœur. L’écran nous présente des lieux hostiles, des chemins fascinants, mais aussi la ville, avec son côté sombre.

Pouvons-nous nous sentir libres dans un monde rempli de devoirs, d’obligations ? Peut-on parler de liberté sociale, de liberté politique, de liberté d’expression… d’une liberté qui est finalement limitée. Peut-on parler de liberté s’il y a des limites ?

La liberté, au sens propre du terme, ne doit être soumise à aucune limite ; par conséquent, le concept de liberté que nous avons aujourd’hui est le résultat de modifications, d’adaptations ; lorsque nous y pensons, nous pensons à une liberté soumise à quelque chose, par exemple à la société, dont les limites sont dictées par la loi et la morale.

McCandless avait le sentiment que personne ne pouvait vraiment être libre, que tout ce qu’il faisait dans sa vie était dicté par ce que les autres pensaient de lui. La société nous tient « en laisse », nous oblige à suivre certaines règles : étudier, travailler, acheter une maison avec l’argent que nous avons gagné en travaillant, etc. Tout est lié aux choses matérielles.

Le titre universitaire ou un parcours professionnel sont parfois perçus comme un statu quo de pouvoir, représentant le fait d’être quelqu’un. À son tour, ce titre ouvre les portes du monde du travail, dont le but est de gagner de l’argent pour acheter des choses matérielles, qui « nous rendront heureux ».

McCandless ne considérait pas les études comme un objectif, comme quelque chose à  » obtenir  » ; le diplôme importait peu. Cependant, sa famille considère qu’il s’agit d’une grande réussite, à laquelle un « bon fils » doit aspirer. Ce jeune homme a décidé de mettre en pratique son utopie : tout abandonner pour être libre, sans se soucier des conditions extrêmes, dormir dans la rue ou chasser pour manger. Il voulait être comme ces animaux sauvages qui vivent selon la nature (et selon leurs propres règles) ; il voulait vivre, en somme, une liberté maximale. Quelque chose qui, pour la plupart des humains, n’est qu’un fantasme, une utopie.

Into the Wild, la mythologisation du protagoniste

Comme s’il s’agissait du voyage d’un héros, Into the Wild est un voyage à travers l’évolution des personnages en quête de liberté. Les personnes qui ont croisé le chemin de McCandless ont alimenté la légende, faisant d’elle un véritable mythe. Ce concept de fabrication de mythes est difficile à concevoir de nos jours, et ce parce que les nouvelles technologies ont envahi nos vies, reléguant l’oralité et les légendes au passé.

Les héros entendent un appel initial qui les pousse à s’embarquer, ils accomplissent des exploits et à un moment donné de leur voyage, les obstacles deviennent si difficiles que le héros abandonne l’aventure. Puis quelque chose se produira (surnaturel ou autre) qui lui fera reprendre confiance et l’encouragera à poursuivre sa route.

Par son voyage, McCandless est devenu une sorte de héros moderne, une figure digne d’être mythifiée. Beaucoup des actes qui lui sont attribués sont exagérés, déformés et même dégradants. Tout cela a fait de McCandless un véritable mythe ; le monde entier a entendu parler de lui et, lorsqu’il est mort, son histoire a pris encore plus de valeur, contribuant largement à la création du mythe.

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La lutte pour les idéaux

McCandless s’est transformé en une utopie, en une personnification de la lutte pour ses idéaux. Into the Wild nous donne de l’espoir : profiter de la nature dans son état le plus pur, surmonter les obstacles et prendre une bouffée d’air frais. Une rupture avec notre routine, avec notre vie monotone où l’on est ce que l’on a, où le matérialisme règne et où nous avons oublié que nous sommes tous mortels et que nous ne faisons que « vivre ».

McCandless a su capturer cette essence, il a vécu pour vivre, profitant de ce que la nature avait à offrir, même lorsqu’elle révèle son visage sombre et brutal. Dans le film, la ville représente le locus terribilis, le non-lieu, l’endroit où ceux qui ne suivent pas les règles sociales sont des parias et sont condamnés à vivre dans une misère totale.

La nature, en revanche, est le loco amoenus, le lieu idyllique où l’homme qui a renoncé aux choses matérielles n’a besoin de rien d’autre. En ville, McCandless se rend dans un refuge, en quête de réconfort, qu’il finit par rejeter. Tout est préférable à la vie dans l’obscurité de la ville, malgré les conditions climatiques défavorables dans lesquelles la nature sauvage l’oblige à vivre. Il n’y a pas de place pour des gens comme lui là-bas, pas de place pour son utopie et tout s’achète avec de l’argent.

Into the Wild édulcore l’histoire, destinée à entretenir la figure du héros, mais il réussit quand même à atteindre son objectif. Il parvient à nous réveiller un peu de ce monde irréel dont nous sommes esclaves ; il nous pousse à sortir de nos schémas, de notre zone de confort et nous invite, autant que possible, à rechercher la vraie liberté.

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